Non, donnes-moi le gros noyau-ci…

13 novembre 2014

Non, donnes-moi le gros noyau-ci…

Daniel Ndieh

crédit photo : Daniel Ndieh
La grosse boîte isotherme contenant les noyaux

Le phénomène fait rage dans les artères de la capitale Yaoundé ; des boulettes « façon-façon » comme les appelle mon ami Abanda Brice, y défraient la chroniques depuis plusieurs mois déjà. Ces dernières portent désormais une appellation, et pas des moindres : Les NOYAUX ! Oui, vous avez bien compris. La clientèle en raffole, et parmi elle, les femmes surtout ; oui, ces dernières, sans trop comprendre pourquoi, se livrent par un nombre incalculable, à cet exercice de consommation de NOYAUX. La boule… Euh, que dis-je ? La boulette, coûte tout juste 100 francs CFA (0,15 EUR). 100 francs CFA pour une recette à priori très simple : après avoir haché de la viande qui curieusement n’est pas que du bœuf (très souvent ils la mélangent à de la viande de chien ou la font avec des restes issus de boucheries, ou ramassés hasardement dans des marchés à l’abri des regards), on y ajoute de l’ail, des oignons et quelques herbes (plus pour le parfum que pour la saveur) très finement pelés. S’en suit le mélange dans un récipient (que l’on espère pour les clients, propre), une poignée de sel (selon la quantité), une légère quantité de cube Maggi (excusez la publicité hein, je relate tel que j’ai vu…), vient alors l’étape que je redoutais le plus : la formation des boules … Euh, ce mot me fait toujours sursauter ; je voulais dire le prélèvement (en quantité impressionnante) de farce pour former des boulettes au creux des « mains » que personnellement je n’ai pas vu lavées… Janvier et Norbert, qui s’attèlent à la tâche, se contentent juste de m’exposer leurs canines, non sans me rappeler : « Le grand journaliste, on sort à la télé quand non ? Ne filme pas mes pieds hein ». Tétanisé, le seul souvenir qui me hante à cet instant, c’est celui des soirées dans les bars de la capitale ; Oh ! Je dégommais les NOYAUX avec « beaucoup de piment à l’appui », pour reprendre la chanson du feu artiste CIRAGE. Une énorme poêle creuse et noircie par le temps, sert de friteuse. Quelques minutes plus tard, les NOYAUX sont prêts et bien chargés dans une énorme boîte repas isotherme afin qu’ils soient maintenus au chaud. Je décide d’accompagner Messi (surnom du vendeur, visiblement très fan de l’attaquant barcelonais), histoire de voir comment ce dernier aguiche sa clientèle. Voilà lancé le cri de guerre, sous un ton ironique, la voix ridiculement aigue : « NOYAUX, NOYAUX, NOYAUX… Les NOYAUX chauds chauds là, Très très chauds les NOYAUX ». Je me retiens de rire, et voilà qu’on se fait appeler par un trio de filles de l’autre côté de la route : « Mon frère ouvres un peu, on voit si tes noyaux-là sont mêmes gros ». Messi réplique immédiatement : « Grand-sœur tu ne me remarque pas ? C’est toi qui avais payé les noyaux de 600 l’autre jour non ? Moi je te remarque bien même ». « Non, toi-même choisis ce qui est bien gros tu me donnes », enchaine-t-elle. Messi ce soir avait alors deux catégories de noyaux : Ceux de 100 francs et ceux de 200 francs. La deuxième fille, sceptique, avoue ne pas apprécier cette création culinaire à la camerounais : « On fait même ça avec quoi ? Moi j’ai peur des trucs comme ça » peste-t-elle ; mais elle finie par en prendre un, après s’être laissée convaincre par la troisième. Verdict : « Hummm ! Ton piment-là est bien fait hein ! Mais vous avez trop mis le sel dans vos noyaux-là ». Dans mon coin, je continue ma lourde mission d’observateur… La première revie€nt au galop : « Hum ! Petit si tu ne m’arrêtes pas je risque finir tes noyaux hein… » A Messi de rassurer : « Grand-sœur tu peux même finir hein, je pars seulement chercher les autres ; il n’est que 19 heures ». Après tout juste deux heures de marches, l’énorme boite isotherme de Messi ne compte plus qu’une dizaine de boulettes. Très satisfait, il me propose d’en prendre un. Vous vous demandez certainement si j’ai accepté…

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